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ON DIT...
                    
La légende des amants de la Saint-Vo
(manuscrit dit "de Saint-Vo", XIIIème siècle)
... traduit par Louis-Jean Calvet

Fust ung jorn
Un jour,
En aultre tens       
Il était une fois
Fust ung jorn
Un jour,

Ung ome, de povre extrace de son estat
Un homme, roturier de son état,
Mais de bonne renommée par le boure
Mais connu de par le bourg,
Pur son grant cuer et loyauté
Pour sa grandeur de coeur,
S'esprit d'amor pur noble feme
S'éprit d'une dame de cour
Cui d'amor semblable l'aymoit
Partageant son ardeur.

Lors les us point ne vouloient
L'usage n'autorisait, alors,
Alcune  alliance de mal aloi
Aucune mésalliance.
Adoncque durent ardoir
Ils durent, donc, consumer
Leur coupable ardence
Leur passion interdite
A l'insu de l'entour
A l'insu de l'entour.

Luy
Lui,
Beau eut guerrer moulte bataille
Eut beau guerroyer
En totes places en cestui monde
Aux cinq points du monde,
ANulle bataille plus aspre ne fust
Aucune bataille ne lui parut plus âpre
Comme cette fine amor
Que ce limpide amour.

Elle
Elle,
Flestrissant de sofrances
Dépérissait à souffrir l'impatience,
Au point que tot lui pesoist
Au point que rien ne lui parut plus lourd.

Point ne pouvant demorer plus
Ils n'y tinrent plus.
Et fi faisant de tot us
Faisant fi de l'usage,
Monstrerent à toz leur ardeur
Ils affichèrent leur fougue.

Par jalousie
De jalousie,
En la nuict de Saint Vo
Au soir de la Saint-Vo,
Le col leur trancherent
On leur coupa la tête,
Lor toutes et tuit
Du noble au plus amant,
Festerent et festerent encor
Mangierent et mangierent encor
On fit liesse et ripailles
Et lor restes jeterent
Et on jeta leurs restes
Tot au mitan de la riviere
Au noeud de la rivière
Ou roge est le limon
Où les limons sont rouges.

Selon disance
On dit que,
En cestui jorn
Ce jour-là,
On vist cheoir
Tot li samares des olmes
Toutes les samares des ormes
Tombèrent et tourniquèrent,
Dol metant
Endeuillant l'événement
Par ciel de neige
d'une neige céleste.

On dit que,
Selon disance
Attendris, les follets
Luitons attendris
Ne les laissèrent pas mourir
Point ne voulurent mort des amantz
Du moins pas pour toujours.

Depuis lors
Et depuis
En nuict de Saint Vo
Au soir de la Saint-Vo,
S'amant les voit
On les revoit s'aimer
Sur jonchée de tendres joncs
Sur un lit de joncs tendres.

Selon disance
On dit ...
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